Julie m'a quitté il y a presque un an, après avoir enduré de nombreuses maladies, y compris la maladie de Parkinson et une double scoliose qui lui causait de vives douleurs. Une insuffisance rénale l'a contrainte à recevoir une greffe de rein, celui-ci était en fin de vie et nécessitait un remplacement. D'autres événements difficiles ont également assombri son existence, la maladie pesant lourdement sur elle. Elle avait clairement indiqué dans son testament qu'elle ne souhaitait ni funérailles ni enterrement, une demande qu'elle a répétée à plusieurs reprises dans ses derniers moments. J'ai tenté de respecter ses dernières volontés, mais cela s'opposait aux désirs de sa famille, très religieuse et pratiquante.
Le décès de Julie s'est produit paisiblement à domicile, entourée de moi et de notre fille unique. Le médecin avait initié des soins palliatifs, car elle ne s'alimentait ni ne buvait depuis plusieurs jours. Ma fille et moi avons donc décidé de conserver ses cendres à la maison, permettant ainsi aux petits-enfants de « converser » avec leur grand-mère au retour de l'école.
Après onze mois, je peine encore à m'adapter. La nuit, j'évite de bouger dans le lit, craignant de la réveiller comme lorsque nous dormions ensemble. Pendant la journée, j'ai toujours l'impression qu'elle se trouve dans la pièce voisine, m'appelant à l'aide. Je trouve très difficile de m'ajuster à cette nouvelle réalité. Sortir de la maison, à part pour aller chercher les enfants ou faire des courses, est un véritable défi. Je dois fournir un effort considérable pour me convaincre d'aller seul au cinéma ou de faire une promenade dans le parc. Je préfère rester seul chez moi et je me surprends à pleurer fréquemment. Mon orgueil d'homme m'empêche de le faire en présence d'autrui. Même après tous ces mois, je n'arrive pas à m'y faire. Julie avait l'habitude de se retrouver avec ses collègues de travail une fois par mois pour socialiser et passer du temps ensemble. J'essaie de maintenir cette tradition, mais nos intérêts ont évolué. Elles sont très aimables et compréhensives. J'en profite pour évoquer Julie, ce qui m'apporte un certain réconfort.
Cependant, je ressens une profonde tristesse, une dépression, et un sentiment de culpabilité à l'idée de ne pas avoir fait assez pour lui faciliter la vie. Après près de vingt ans à prendre soin d'elle au quotidien, il m'est difficile d'accepter son départ. Je comprend que je ne pouvais en faire plus, mais l’idée me poursuit sans cesse. Je ressens fréquemment des sursauts à l'idée qu'elle puisse me réclamer, surtout la nuit. D'ailleurs, ma capacité à dormir m'a abandonné, ne me permettant que quelques heures de sommeil par nuit, toujours avec l'impression qu'elle a besoin de moi. Il est très difficile de me défaire de cette pensée.
J'ai presque complètement coupé les liens avec ma belle-famille. Ils vivent à l'étranger et, honnêtement, nous n'avons plus de points communs depuis le départ de Julie. Les échanges sont très limités et je ne ressens pas le besoin de communiquer avec eux. C'est un sentiment étrange que je ne peux expliquer. Tout le monde me dit que le temps améliorera les choses. J'en suis conscient et j'attends avec impatience ce moment. À 78 ans, en relativement bonne santé, je sais que je devrais profiter de la vie, voyager et sortir. C'est juste que je n'ai pas encore trouvé le courage de franchir cette étape.
J’espère juste y arriver.
André