Mourir à date fixe - Chroniques | La Gentiane - Deuil - Entraide
 

Mourir à date fixe

Lorsqu’arrive un moment où la fin de vie s’annonce inévitable, où la souffrance prend bien plus de place que la joie de vivre et où la dignité humaine est menacée, la mort peut devenir synonyme de libération. Dans ces cas, une option s’est ajoutée au champ des possibles : l’aide médicale à mourir (AMM). Depuis son application au Québec, en décembre 2015, l’aide médicale à mourir génère un débat de société empreint d’émotivité. Mais que l’on soit pour ou contre cet ultime recours, il fait maintenant partie des mœurs québécoises.

Pour une personne atteinte d’une maladie incurable, éprouvant des souffrances impossibles à apaiser, avoir recours à l’AMM constitue un grand rendez-vous. Elle aura traversé les étapes la menant à l’acceptation de sa mort, du déni à la colère, du marchandage à l’anxiété. La voici prête à franchir le dernier pas et à prendre en main la fin de sa vie.

Mais comment réagir lorsqu’un proche considère ce chemin comme le sien ?

Un deuil planifié, mais non moins difficile

S’il est difficile d’accepter la décision d’un être cher de recourir à l’aide médicale à mourir, il est certes ardu de s’y opposer; surtout si la demande est mûrement réfléchie et que la personne qui la formule est déterminée. Pour le futur endeuillé, il devient dès lors impossible de nier la mort ou de la remettre à plus tard, comme il est parfois tout naturel de le faire. Le voici donc délogé de la position du déni.

Avec l’aide médicale à mourir, les proches connaissent exactement le moment du départ et le temps qu’il reste à partager. Cela permet de dire les choses, de se rassembler, de régler des conflits, de se donner des tonnes d’amour, ce qui peut adoucir l’épreuve du deuil à venir. Par contre, puisqu’il continue d’être critiqué par certains, le choix d’opter pour l’AMM pourra faire en sorte que les membres de la famille sentent du jugement de la part de leur entourage. Chercher soutien et réconfort auprès des siens ou encore en consultant des spécialistes devient dans ce cas d’autant plus pertinent.

Depuis l’entrée en vigueur de l’aide médicale à mourir, l’attention est à juste titre portée sur les personnes malades. Rarement s’attarde-t-on à la détresse des membres de leur entourage. Or, les proches de ceux qui choisissent cette option se retrouvent, comme tous les autres endeuillés, face à une blessure à guérir. Car bien qu’elle soit choisie, la mort d’un être cher laisse des traces.

Quelques chiffres

Depuis l’entrée en vigueur de l’aide médicale à mourir en 2015, de plus en plus de gens y ont recours, comme le démontrent les statistiques :

2015-2016 : 63

2016-2017 : 599

2017-2018 : 968

2018-2019 : 1279

2019-2020 : 1776

2020-2021 : 2426

2021-2022 : 3663

En 2021, près de 70 000 personnes sont décédées au Québec. Cela signifie que 5 % des défunts ont eu recours à l’aide médicale à mourir, comparativement à 3,3 % l’année précédente.

Dans le rapport annuel (2021-2022) de la Commission sur les soins de fin de vie, il apparaît que 93 % des personnes qui ont demandé l’AMM avaient 60 ans et plus, que 84 % avaient une espérance de vie d’un an ou moins, et que 95 % avaient de grandes souffrances physiques et psychiques.

N.B. : La Loi concernant les soins de fin de vie a été modifiée depuis son adoption et peut l'être encore. Pour avoir l'information la plus récente, vous êtes invité à consulter le dossier du Gouvernement du Québec intitulé À propos de l'aide médicale à mourir.

Classé dans : La mort Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide

Commentaires (8)

Mon mari a eu recours à AMM, en mars dernier... ce fut une des expérience les plus enrichissante de notre vie... mourir dans la dignité a vraiment pris tout son sens et nous l'avons accompagné dans une sérénité que je ne croyais pas possible... merci la vie de vivre dans une époque ou on peut choisir notre fin de vie... et un merci spécial aux médecins qui nous accompagnent.

danielle, 4 mai 2023

Ma femme était atteinte de la SLA et elle nous a quitté avec l’AMM il y aura 4 ans en août prochain. Le tout s’est fait de façon très digne et nous nous sommes tous consolés de réaliser que sa décision était la bonne car lorsqu’il n’y a plus d’espoir de guérison et que la qualité de vie n’est plus là, la souffrance de perdre un être cher est préférable à la souffrance que vit l’être tant aimé.

Yvan Delorme, 4 mai 2023

Concernant la notion de consentement il semblerait qu’il y a des changements récents sur la capacité de confirmer la décision juste avant l’injection par la personne qui a demandé le soin. Elle doit être apte à le faire. J’ai entendu dire que depuis un mois environ il était possible de signer un document devant témoin qui atteste la demande de soin qui peut être utilisé si la personne n’est plus apte à accepter lors de l’injection. Si vous avez de l’information à ce sujet il serait intéressant à connaître pour toutes et tous. Merci.

Helene Lemieux, 5 mai 2023

J'accompagne des gens en fin de vie depuis maintenant 23 ans et j'ai eu ce privilège de pouvoir aussi accompagner, depuis l'entrée en vigueur de la loi, quelques personnes ayant demandé l'AMM. Cette possibilité de pouvoir choisir le moment du départ, n'est pas effectuée sans de mûres réflexions de la part de la personne qui en fait la demande, mais aussi du personnel médical qui accompagne cette démarche.
J'ai pu constater à quel point cette réflexion confronte la vision de la mort, pour toutes les personnes concernées, que ce soit le patient lui-même, la famille et les soignants. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises façons de mourir... il y a un chemin unique pour chaque personne et donc, aucun jugement ne devrait être porté sur les gens qui optent pour cette option. Il est vrai que pour les familles, c'est souvent un choix difficile à intégrer... la mort est encore tellement taboue dans notre société. Je ne dis pas que l'AMM est le choix pour tous, mais cette expérience nous enseigne en quelque sorte, sachant le moment prévu, à l'apprivoiser et à préparer avec plus de conscience, le départ, ce qui permet justement de se dire je t'aime, de s'offrir des pardons, de se créer d'autres souvenirs...
Il est possible de vivre les choses autrement, même dans un contexte où la mort est attendue, suite par exemple à un pronostic de cancer, puisque la mort fait partie du chemin pour tous... mais nos perceptions quant à ce passage sont à transformer...
Les gens qui demandent l'AMM ont dû regarder la mort en face et accepter de l'accueillir les yeux ouverts. Et cette démarche est si profonde, que quand ils partent ils sont sereins, en paix, étant même ceux qui rassurent leurs proches au départ.
Peu importe le contexte de la fin de vie, sachons être présents et aimants auprès de ceux et celles qui quittent cette vie. Ils nous enseignent que la vie est fragile, précieuse et nous invitent, à travers leur propre expérience, à réfléchir à la nôtre pour en faire quelque chose qui aura du sens.

Hélène Giroux, 5 mai 2023

Je suis d’accord de recevoir l’aide médicale à mourir! Lorsque l’espoir de vivre avec des douleurs intolérables! Il vaut mieux partir! Soit par l’aide médicale à mourir! Se sera mon choix!

Simard jacqueline, 5 mai 2023

À partir du moment où mon conjoint a dit au médecin que là c’était assez, qu’il refusait l’acharnement thérapeutique, tout s’est déroulé très vite. Mais toujours, toujours, dans le plus grand respect. Rénald a pris le temps de téléphoner aux personnes qui ont marqué sa vie, faire ses adieux en privé à ses 3 filles, son frère et moi, sa conjointe des 23 dernières années. Et c’est au son de la douce musique de Alexandra Strésliski qu’il s’est endormi entouré des membres de sa famille un beau samedi d’automne 2021. Il était enfin libéré.

Francine Vinet, 5 mai 2023

Merci de vos témoignages car ils rassurent et enlèvent beaucoup de stress devant la/les maladies qui viennent avec l'âge. Il faut reconnaître le travail de l'AQDMD.org qui soutient la société québécoise depuis 15 ans à obtenir ce soin de fin de vie et continue son travail auprès des gouvernements Qc et CA. Je suis membre du Collectif Qc-AQDMD.

Lisette Paradis, 6 mai 2023

Pour répondre à Mme Hélène Lemieux, oui la Loi concernant les soins de fin de vie a évolué depuis son adoption. Pour s'assurer d'être à jour, nous vous invitons à consulter le dossier du gouvernement du Québec en copiant et en suivant ce lien: www.quebec.ca/sante/systeme-et-services-de-sante/soins-de-fin-de-vie/aide-medicale-a-mourir

FCFQ, 8 mai 2023