J'ai très vite voulu... - Vos textes | La Gentiane - Deuil - Entraide
 

J'ai très vite voulu...

J'ai très vite voulu...

J'ai très vite voulu, à la mort de Marie, écrire un livre sur sa vie. J'ai passé neuf mois avec elle, à deux, nous avons parcouru sa vie pour réaliser ce livre que nous avons distribuer à tous nos amis et à tous ses amis un an après. Ce texte figure en introduction, je l'ai écrit six mois après son décès.*  *  *

Ma louloute,

Je suis assise à ton bureau et je regarde la magnifique vue que tu as sur les jardins. Il neige... comme il y a 4 ans exactement lors de notre déménagement.

Alors que je m'excusais de ne pas avoir mis tes rideaux, le soir de notre première nuit à la maison, tu me faisais remarquer combien le paysage était beau sous la neige. Tu ne voulais pas de tes rideaux, tu voulais admirer ce qui était beau. Le lendemain, je les avais pendus mais tu les as laissés ouverts pour contempler une fois encore ce tableau magnifique !

Mon ange,

Depuis le mois d'octobre, j'ai ressenti le besoin de retracer ta vie si courte et pourtant si éclatante. J'ai eu besoin de remettre de l'ordre dans ma tête et dans mon coeur sur ces années, trop vite passées, où je t'ai vue, chaque jour, t'épanouir davantage.

D'abord, rouvrir les albums, découvrir toutes ces photos et celles encore non collées dans leurs pochettes, faute de temps !

Ce temps, cependant, il me semblait l'avoir apprivoisé pour ne léser personne. En tant que maman, je pensais le donner sans compter à mes enfants, en tant que femme, je vivais un bon équilibre dans mon couple et, en tant que Sylvie, peu de temps me restait pour être efficace au bureau et disponible pour mes amies et mes loisirs. Mais, l'un dans l'autre, certes, mon temps filait, mais mes priorités étaient toujours respectées. Il y avait bien sûr ces choses que je remettais à demain comme le collage de ces photos de vacances.

À chaque photo sur laquelle mes yeux s'arrêtent, un moment de vie remonte et m'envahit. Je ne peux tous les écrire, je ne veux tous les confier ! Ils appartiennent à ce lien si étroit et si fort qui nous rattache l'une à l'autre pour l'éternité.

Viens alors l'idée de laisser raconter ta vie par tous ceux et celles qui t'ont rencontrée, qui t'ont aimée, qui t'ont accompagnée tout au long de ta route pour faire de cet album un recueil de moments où chacun retiendra de toi quelques-unes de tes multiples facettes. D'autres apprendront à te connaître sous certains aspects de ta personnalité qu'ils n'avaient peut-être pas encore perçus.

Moi-même, je t'ai découverte à travers ces témoignages vivants, mais surtout, je ne me rendais pas compte à quel point tu étais si importante aux yeux de tes amis.

Ce long cheminement vers toi aboutit à une véritable leçon de vie que tu nous laisses en cadeau dans un magnifique éclat de rire. Il a fallu ton départ pour en mesurer toute la valeur.

Ton départ a bouleversé mes idées reçues, mes bases, mes croyances, mon affectif.

Ton départ a explosé ma carapace, mon paravent, mes protections.

Ton départ a pulvérisé mes habitudes, ma manière de vivre, mes attentes, mes liens à la vie.

Ton départ m'a chaviré le coeur. Alors, je me suis arrêtée, je me suis écoutée, et je t'ai entendue.

Depuis le 20 juin, pas un jour tu ne m'as quittée. Soutenue par toi, j'ai su que je ne sombrerai pas, je t'ai fait confiance et lentement, petit à petit, ma conscience s'est éveillée au manque, à l'absence. Tu m'as distillé goutte après goutte la réalité, si dure à accepter. Tes amis si fidèles m'ont apporté la joie tous les mercredis, ma famille et mes amis m'ont divertie si souvent chaque semaine. Ils m'ont écoutée, ne m'ont pas jugée, n'ont même pas suggéré ! Ils ont été là, simplement là, et c'est le plus beau cadeau qu'ils m'aient donné. Leur confiance en moi et en ma capacité à faire face m'a été d'un grand réconfort. C'est un grand luxe de pouvoir se dire "solitaire" quand mon carnet d'adresses déborde d'amis qui ne demandent qu'un appel pour être près de moi !!

Ensemble, chaque jour, nous refaisons route vers la vie, vers d'autres moments de joie et de bonheur.

Mon coeur, j'ai accepté ton départ et j'ai compris que je pouvais te parler à tout moment, que tu m'entends et que tu continues à m'aider chaque jour dans la reconstruction de moi-même et d'une nouvelle vie qui, je le sais, sera plus lumineuse et intense parce qu'à chaque moment, je l'ai appris, tout peut basculer pour ne jamais revenir comme avant. Pendant mon année sabbatique, je voudrais laisser le temps faire de moi une nouvelle femme, une nouvelle mère, une nouvelle Sylvie qui pourra enfin se défaire, à l'aube de ses 40 ans, de nombreuses particularités qui ne sont plus nécessaires. Tout au fond de moi sommeillaient d'autres caractéristiques, plus essentielles, que je peux aujourd'hui lentement faire remonter à la surface. Cette mue profonde prendra encore du temps, mais je te la dois, mon ange, c'est encore un cadeau que tu me laisses.

Nous avons vécu une relation magnifique, forte, pleine de complicité, de grande tendresse et de mutuelle compréhension. Tu aimais écrire, j'aimais te répondre, quel plaisir de pouvoir correspondre pour un rien, pour n'importe quoi, juste pour se dire bonsoir ou je pense à toi ! Tu as été une enfant de rêve, une adolescente pas encore révoltée, peut-être nos liens trop forts t'en ont-ils empêché ?

Peu importe aujourd'hui, à travers cet album, je te mets au monde une deuxième fois, mais celle-ci vaut pour l'éternité, car je sais que jamais plus nous ne serons séparées. Je t'aime infiniment.

Ta maman

Sylvie
Bruxelles (Belgique)

Classé dans : Lettres Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide Date : 7 avril 2004

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