J'ai longtemps hésité avant de revenir ici. Quatre ans.... - Vos textes | La Gentiane - Deuil - Entraide
 

J'ai longtemps hésité avant de revenir ici. Quatre ans....

J'ai longtemps hésité avant de revenir ici. Quatre ans....

J'ai longtemps hésité avant de revenir ici. Quatre ans. Mon petit-fils aura quatre ans le 30 octobre prochain. Mon petit-fils est un ange, il est né avec ses ailes d'ange, il est né au paradis. Moi, je suis sa grand-maman, sa mémé. Sa maman c'est ma fille, elle l'a mis au monde à 18 ans, c'est une longue histoire. Ne croyez pas que c'est une irresponsable, une inconsciente, c'est loin d'être le cas. Elle aurait été une merveilleuse maman, aimante et protectrice. Puis mon petit ange, c'est moi sa mémé qui l'aurait gardé le jour pour que sa maman termine ses études d'ambulancière.

Mon petit-fils, c'est mon trésor, mon petit-ange....j'étais avec sa maman durant sa grossesse, puis le jour où les médecins nous ont annoncé qu'il ne survivrait pas, il n'était pas assez fort pour survivre dans ce monde mais il ne pouvait plus rester dans le ventre de sa maman car elle avait perdu les eaux, trop tôt.

J'étais avec ma fille lorsqu'on lui a annoncé l'affreuse nouvelle, nous regardions son petit cœur battre à l'échographie... j'ai senti le mien se briser en millions de morceaux, mais je me suis retenue, j'ai juré que je serais forte pour ma fille. Que je serais là pour elle et que je m'oublierais.

J'ai été là pour elle, je l'ai aidée, consolée, soignée, j'étais là, sans laisser le droit à ma peine de sortir, c'était elle et elle seule qui comptait, elle et mon petit-fils.

Je l'ai vu "naître" notre petit ange d'amour... Je l'ai bercé, une seule fois, je lui ai donné un seul baiser sur le bout de son tout petit nez... il était si beau, si parfait, tout petit et fragile mais si vous l'aviez vu, un vrai trésor...

Nous l'avons enterré au côté de son grand-père, le papa de ma fille, mon grand amour et au côté de son arrière-grand-père, mon papa. Il sera bien avec eux, en sécurité et il aura beaucoup d'amour. Ma fille a mal vécu son deuil, elle a eu droit à des regards de travers, des jugements... elle a refusé d'en parler et même avec moi c'était difficile, nous avions chacune notre peine et nous voulions épargner l'autre. Comme si on pouvait oublier, penser à autre chose.

L'an dernier, ma fille est partie, elle était en dépression, elle est tombée sur des gens mal intentionnés qui ne se souciaient pas d'elle. Ils ont causé des dégâts entre elle et moi... moi je l'ai laissée libre, elle savait que j'étais là pour elle, je l'ai toujours été. La meilleure façon que j'ai trouvée pour lui montrer mon amour a été de lui laisser sa liberté, respecter son choix et le rejet. Mais j'ai cassé les liens qui m'unissais avec ceux qui ont essayé de détruire ma fille et le lien que nous avions elle et moi depuis toujours. Elle a heureusement rencontré un ami, au bout de quelques mois et quelques dégâts, qui l'a écoutée, aidée à voir plus clair et elle m'est revenue. Nous sommes en reconstruction.

Cette semaine, nous fêterons notre petit ange d'amour en famille, il aura 4 ans. Il a sa place parmi nous, il n'est pas tabou, il est vivant pour nous, dans nos cœur. Moi, je le vois grandir dans ma tête... on m'a dit qu'un ange ça ne grandit pas mais je m'en fiche, le mien il grandit, il marche, il court, il joue, il rit, il parle, dit plein de choses... Il est adorable, le plus beau, le plus gentil... c'est mon seul petit-fils, mon seul petit-enfant. Je suis sa mémé et Dieu sait que je l'aime de tout mon cœur...

Pourtant, je n'ai jamais réussi à venir me confier, parler de lui, dire ma peine... jamais avant aujourd'hui. Pourquoi? Parce que je ne suis "que" sa grand-maman, pas sa maman... mais aussi parce que je m'en veux terriblement. Je ne me vois pas digne d'avoir de la peine, ni même de l'aimer autant... Je ne me pardonnerai sans doute jamais. Je suis une grand-maman indigne. Même si j'ai compris ce qui a pu se passer et pourquoi j'ai pu agir comme je l'ai fait, je m'en veux. Je ne me cacherai pas, vous verrez quel monstre je suis comme grand-mère.

Lorsque ma fille a su qu'elle attendait un bébé, elle m'a dit tout de suite, elle avait 18 ans et se préparait à commencer ses études... Le père et elle n'étaient pas en couple, il était irresponsable, égoïste et plus âgé qu'elle... il n'a jamais compris le sens du mot "non"... bref... ma fille ne l'aimait pas, elle s'est fait piégée, mais ce bébé, elle le voulait quand elle a su qu'elle l'attendait.

Elle serait restée chez nous, je l'aurais aidée. Mais moi j'ai eu peur quand j'ai su... peur pour elle, pour son avenir... peur aussi que mon conjoint ne supporte pas les responsabilités que je lui imposais et se remette à boire, il n'était sobre que depuis quelques années... j'ai eu peur. Pas une minute je n'ai pensé à moi, à la joie que j'aurais d'être sa grand-maman, ni même à lui dans mes bras... parce que je l'aurais eu tout à moi toute la journée, chaque jour et ça aurait été un vrai bonheur pour moi qui adore les bébés, les enfants, mes enfants. Je ne pensais qu'au négatif, à ma fille qui commençait sa vie, qui allait étudier et avoir de la misère... au père qui allait lui faire des misères aussi... J'ai eu peur et juste peur.

Jusqu'au jour où je l'ai vu sur l'échographie, j'ai vu son petit cœur battre... il bougeait, il était là, mon petit-fils, mon petit trésor. Ma fille et moi étions très très proches, toujours ensemble, on se disait tout. Pourtant, malgré tout ça, le jour où elle m'a dit être enceinte... j'ai eu trop peur, je n'ai pas voulu de lui. J'ai refusé ce petit trésor, j'étais fâchée après elle... La grand-maman ne voulait pas de son petit-enfant, la voilà la vérité, ce qui fait de moi un monstre à mes propres yeux. J'ai beau comprendre pourquoi, je sais que j'ai vite changé d'avis, même si les peurs restaient... mais, je m'en veux.

Pas un jour ne passe sans que je pense à mon petit-fils, je l'aime tellement. Si je pouvais revenir en arrière... je ne peux pas. Alors je vivrai jusqu'au dernier jour avec ces regrets.

Je n'ose en parler à personne, ma fille n'est pas prête à en parler, sauf entre nous, j'essaie de respecter ça et je ne dis pas aux gens qu'elle m'a donné un magnifique petit-fils, un vrai petit ange.

Puis, je ne suis rien que la grand-maman. S'il n'existe pas de mots pour nommer une maman qui a perdu son enfant, il y en a pas plus pour la grand-maman. La grand-maman n'a pas de nom, pas tant de peine que la maman en principe... pourquoi j'en ai autant?

J'ai perdu trop de gens que j'aimais, qui m'aimaient... ils sont ensemble, c'est eux qui prendront soin de mon petit-fils, je sais que notre petit ange sera bien, il aura beaucoup d'amour et je sais que je le reverrai un jour.

En attendant, je prendrai soin de mes filles, dont la maman de mon petit-fils, de mon mieux, avec tout mon cœur. Je n'ai presque pas pleurer lorsqu'il est venu au monde mon petit ange, si beau, si parfait... j'étais juste là pour sa maman, ma fille.

Maintenant, parfois quand je suis seule, je laisse couler les larmes, comme maintenant.

C'est la première fois que j'en parle. Ce n'est pas que je veuille me cacher, c'est que je crois que je n'en vaux pas la peine. Dans ce monde, je suis si peu de chose.

Si je suis revenue ici, c'est que j'y avais trouvé le réconfort, les soutiens et de vraies amies qui sont toujours là, voilà plusieurs années, à la mort de mon mari. C'est même sur ce site que j'ai connu celui qui allait devenir mon mari et le papa d'une dernière petite princesse. J'ai appris qu'on peut aimer plusieurs fois, différents hommes, différemment. Mais je crois qu'il n'y a qu'un grand amour et le mien reste dans mon cœur malgré tout.

Et jeudi le 30 octobre prochain, mon petit-fils Sidney aura 4 ans déjà. Chaque personne qui le connaît le fait un peu plus exister dans ce monde.

C'est comme une lueur qui brille un peu plus dans le ciel.

Josée
Cap-Rouge (Québec)

Classé dans : Témoignages Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide Date : 27 octobre 2014

Commentaires (1)

Dans quelques semaines, cela fera 7 ans. J'espère que vous avez pu parler, trouver du réconfort, un peu d'apaisement. Que vous vous êtes pardonné aussi.

Sera, 6 octobre 2017

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