Ma douce... - Vos textes | La Gentiane - Deuil - Entraide
 

Ma douce...

Ma douce...

Nous voilà tous et toutes réunis à la maison pour nous recueillir un instant sur ton départ précipité et sur le chemin parcouru depuis deux ans.

Lorsque je suis arrivée au manège, j'ai senti mon sang se glacer. J'ai compris que ton accident était très grave. Arrivée à tes côtés, le choc et la peur m'ont tétanisée. Ton âme s'était déjà envolée, seul restait ton corps râlant doucement. C'est à ce moment que j'ai voulu mourir et partir avec toi, te suivre là où tu allais.     À l'hôpital, nous avons donné tes organes à ceux qui étaient en attente d'être greffés, nous y avions vu le premier sens à donner à ta mort.

Au fur et à mesure des premiers mois, je n'ai pas compris ce qui nous était arrivé. J'aurais voulu arrêter le temps pour pouvoir assumer ce trop grand choc reçu en plein cœur. Je me sentais terriblement vide et en même temps submergée par une immense douleur. Il me fallait trouver un sens à cette tragédie pour que je puisse m'accrocher à la vie. Comment vivre sans toi ? C'est lors d'un massage que j'ai choisi de vivre, c'est moi qui t'ai quittée dans un bain de larmes. Je choisissais de rejoindre Cha et Hadrien qui m'attendaient et mon milou que j'aimais. Je savais que c'était cela que tu attendais de moi et j'ai senti que tu t'en réjouissais. Je venais de comprendre que je ne te trahissais pas en osant vivre ma vie sans toi. Personne ne m'aurait ouvert la porte derrière laquelle ta nouvelle vie commençait.

Tout au long de cette première année, j'ai découvert cette force énorme qui nous liait. Il m'a toujours paru évident que tu es heureuse et que tu baignes dans la lumière et l'amour du Divin. Est-ce cela la foi ? J'ai reçu tellement de signes de toi, tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir afin que tous ceux qui t'aiment atteignent la sérénité face à ton départ. Cette vision m'a aidée et m'a apporté l'espoir de pouvoir entrer un jour en contact avec toi. J'ai évolué dans beaucoup de douceur et j'ai senti combien ta présence à mes côtés était constante pour m'aider à traverser jour après jour cette épouvantable réalité. Pourtant combien de fois ne me suis-je pas sentie seule, abandonnée et découragée. C'est dans ces moments-là que j'ai le plus douté...

Tu m'as appris à vivre au présent et à prendre le temps de vivre les événements. Il fallait du temps pour préparer ton recueil, il fallait du temps pour accepter ta mort. J'aimais l'idée d'avoir un but et tout mettre en œuvre pour le réaliser. Mais tu m'as montré que si on court derrière le résultat, on ne voit plus le chemin parcouru, on devient impatient, nerveux, inquiet et on oublie la confiance et la joie que l'on avait ressenties tout le long de son élaboration C'est une manière tellement plus sereine de vivre sa vie.

J'ai compris aussi que ma douleur était inscrite sur mon visage et qu'à travers mes yeux pelés, je me montrais telle que j'étais, sans bouclier, sans protection. Je venais d'accepter ma vulnérabilité et ma fragilité.

Au travers des lectures que tu m'as proposées, ma douce, j' ai découvert l'amour, le pardon, le partage. Je souhaitais pouvoir grandir dans cette nouvelle manière d'être, je m'y sentais juste et en harmonie.

Peu de temps après, j'ai participé à une journée de retraite avec le Père Jean van den Eynde. Je comprends encore qu'être c'est se retrouver en contact avec ce que l'on est d'essentiel. C'est alors que s'établit le contact avec Dieu, pour me guider là où il n'y a plus de jugement, plus de critique. Dieu ne s'apprend pas, il se révèle. L'amour et le pardon sont aux premières loges. Il faut tendre vers le partage et la communion, on ne peut pas rester seul. Osons abandonner notre moi pour pouvoir nous donner. Dieu propose une relation.

A la fin de la journée, j'étais profondément perdue et touchée par ces propos parce que je croyais comprendre que tu m'initiais à l'existence de Dieu dans ma vie. Mon chemin de deuil ressemblait si fort à un chemin de foi... Ce fut ma première révélation.

Notre passage sur terre est bref vu de là-haut. Il nous manque une dimension. Pressés par le temps, nous nous agitons beaucoup chaque jour... Nous améliorer, vivre dans l'amour, nous donner aux autres, pardonner, c'est nous donner du recul, c'est nous préparer à la vie céleste. Mais c'est dans la pratique journalière que nous sommes mis à l'épreuve... Quantité de petits pièges sont là pour nous faire tomber. Cela m'amène à te dire, ma chérie, que j'entrevois le chemin sur lequel tu souhaites que je m'avance à petits pas. Je trébuche, je tombe, je me trompe parce qu'il y a une réalité à ma condition humaine l'émotion. L'année dernière, je n'étais pas capable de m'engager vers ce renouveau magnifique, j'avais besoin de pleurer le manque terrible de toi, les marques de tendresse que nous n'échangions plus, et tout ce que nous aurions encore pu vivre ensemble.

Tu me donnais l'espoir d'une vie plus belle, je te demandais du temps, je te proposais qu'ensemble, nous continuions notre route, un jour je pleurais pour moi, un jour je croyais en toi mais de toute façon, je gardais ma main dans la tienne, tu étais devenue mon guide.

Je ne savais pas vers où ni vers quoi j'allais, mais j'avais confiance, parce que le sens de ton départ était celui que je donnais à ma vie. Tu as déjà beaucoup semé ici sur cette terre depuis ton départ.

Puis c'est Sœur Chantal à qui tu m'as présentée. Elle m'a demandé de te lâcher pour que tu puisses réaliser ce pour quoi tu étais montée mais surtout parce que tu reviendrais à moi pour me donner la connaissance que tu as acquise. Au lieu de cela, je t'enfermais dans ma douleur et je te gardais pour moi. Elle m'avait dit que le 20 juin de l'année dernière devait être un merci pour tous les cadeaux que j'avais déjà reçus et que je continuerais à recevoir. Les messages ont été entendus mais je n'étais pas prête pour cela, c'était trop tôt pour moi.

Que de révélation en un an, ma douce, et cette deuxième année, alors ?

Et bien je suis redescendue sur terre, dans mon quotidien. J'avais achevé ton livre, je n'avais plus de projets immédiats, alors j'ai assumé la vie de tous les jours. En fait, j'avais le contrecoup de toute cette énergie dépensée l'année dernière dans ce recueil, dans le groupe d'activité, dans mes émotions, devant ce choc, dans le travail scolaire pour sauver l'année de Cha, dans l'organisation de nos délicieux petits poulets... Où ai-je trouvé la force ? Je ne sais pas. Ceci dit, je n'en n' avais plus, je ne te sentais plus près de moi, je n'avais plus envie de rire, je ne pleurais plus non plus, c'était la traversée du désert du mois d'août au mois de janvier.

Ce silence radio m'a fait progresser mine de rien, je sais bien que tu étais présente, mais je n'étais pas du tout réceptive.

A partir de février, je sens que ma colère peut enfin se libérer et un magnifique souffle de vie me remplit de l'intérieur. Voilà que je bouge, que je redeviens active, je réalise à quel point j'étais devenue passive et dépendante de mes proches. C'est à peine si je n'attendais pas qu'on me prenne en charge. Je ressens les choses avec émotion, je vibre, j'explose, je dois réapprendre à choisir mes mots, je suis trop franche, .... Je suis comme un chien fou, tout s'ouvre mais je ne contrôle plus rien... Me voilà impulsive... On aura tout vu !

Je crois comprendre, ma loute, que tu es partie sur ta voie à toi et que tu ne peux pas me porter toute ta vie, c'est dur mais je suis en mesure de devenir autonome. Je suppose que c'est parce que je vais mieux que tu t'en es allée.

Malgré cela, l'idée de vider ta chambre et d'en faire une nouvelle pièce de vie n'est pas de moi toute seule... Je me sens un peu poussée tout d'un coup à avancer dans ce projet.

Mon dieu, ma chérie, tu sais combien j'ai pleuré le jour où j'ai enlevé le petit nid que tu avais créé à la maison mais je te donnais la permission d'y aller, la permission de t'envoler.

Et c'est alors que je t'ai retrouvée... De mon âme à la tienne, de mon cœur au tien, nous nous sommes reconnues et nous nous sommes réunies. Toi que je ne percevais plus, tu m'es apparue plus flamboyante que jamais. Il a fallu que je casse le dernier lien matériel de ton existence terrestre pour avoir accès à notre belle relation d'aujourd'hui. Aller au bout de la souffrance, c'est encore ouvrir une porte qui amène à la confiance et à l'amour. Je vis avec toi au quotidien, je suis rentrée dans ta grâce. Je te fais désormais confiance, je sais que je peux te demander et je ris chaque fois que je reçois. Je vis ma vie, tu vis la tienne. Nous sommes en connexion permanente, en toute liberté.

Aujourd'hui, je réapprends la bible avec Véro et là, à nouveau, je vibre, j'ai l'impression de renouer avec mes racines. Cette année nouvelle qui débute aujourd'hui sera je crois, une progression dans le domaine de la foi, on ne peut douter éternellement de l'existence d'un Dieu d'amour. Les chemins sont lumineux, il est bon que je m'y engage.

Merci, ma douce, merci de m'avoir menée jusqu'à cette révélation qui change mon existence. Continue à me guider sur le chemin de la connaissance, je t'y suivrai confiante et heureuse de t'avoir retrouvée.

Je t'aime infiniment.

Sylvie
(Belgique)

Classé dans : Lettres Publié par : La Gentiane - Deuil - Entraide Date : 13 octobre 2004

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